Note publique d'information : En dépit des progrès en obstétrique et néonatologie, l'encéphalopathie hypoxique-ischémique
périnatale demeure une situation pathologique majeure à l'origine d'événements métaboliques
et hémodynamiques aux répercussions immédiates et à long terme. La suractivation des
récepteurs glutamatergiques causée par la libération excessive du glutamate est un
des mécanismes proposés dans la médiation des dommages hypoxiques-ischémiques. Cependant,
le rôle de cet acide aminé excitateur dans les conséquences de l'hypoxie est aujourd'hui
discuté. Un des objectifs de notre travail était d'évaluer la contribution de l'excitotoxicité
liée au glutamate aux désordres cérébraux engendrés par à un épisode hypoxique. L'hypoxie
serait plus délétère chez le nouveau-né à terme que chez le prématuré et il a été
rapporté que les animaux jeunes résistent mieux à une privation en oxygène que les
adultes. En ce sens, nous avons étudié l'influence de la maturation cellulaire sur
le devenir des neurones suite à une exposition à l'hypoxie ou au glutamate. Dans un
second volet, nous avons analysé la séquence d'expression de certains facteurs de
transcription impliqués dans l'adaptation cellulaire et dont l'interaction avec l'ADN
influence la transcription génétique et donc le devenir neuronal. Nous avons également
appréhendé une des voies de signalisation, celle des JNK (c-Jun N-terminal kinases).
Les études ont été réalisées in vitro sur un modèle utilisant des cultures de neurones
centralLx issus de territoires connus pour être sensibles (hippocampe, cortex, striatum)
d'embryons de rat de 14 jours. L'agression hypoxique a été provoquée pendant 6 h par
incubation des neurones, utilisés à deux stades de maturation (6 jours et 13 jours),
dans une atmosphère dépourvue d'oxygène (95% N2-5% CO2) . Par ailleurs, les effets
du glutamate ont été évalués par addition au milieu de culture de l'acide aminé ou
d'agonistes de ses récepteurs (100 µM). Les neurones ont été étudiés immédiatement,
puis 24 h et 72 h après traitement. La viabilité cellulaire a été mesurée par la méthode
au MTT (3-(4,5-dimethythiazol-2-yl)-2,5-diphenyltetrazoliurn bromide), le métabolisme
énergétique par la mesure du prélèvement de 2-D-désoxyglucose[3H] (2DG), et la synthèse
protéique par l'incorporation de leucine[3H]. L'apoptose et la nécrose ont été analysées
par incorporation nucléaire d'un fluorochrome, le 4,6-diamidino-2-phenylindole (DAPI).
Les résultats montrent que la viabilité et les caractéristiques fonctionnelles des
neurones de 6 jours n'ont pas été altérées par l'exposition au glutamate ou à ses
analogues. Par contre, leur sensibilité à l'hypoxie s'est traduite par un hypermétabolisme
transitoire, une augmentation biphasique de la synthèse protéique et par le développement
d'un phénomène d'apoptose, lequel a été pratiquement aboli par un traitement avec
un inhibiteur de la synthèse protéique, la cyclohéximide (CHX, 1 µM). A ce stade,
les neurones deviennent toutefois vulnérables au glutamate lorsqu'ils ont été traités
par un inhibiteur de la protéine kinase C (staurosporine, 30 nM). Dans les cultures
de neurones de 13 jours, l'hypoxie a induit une faible augmentation de l'apoptose
(8,2%), tandis que le taux de nécrose atteignait 22,3%, 72 h après exposition. Le
glutamate a réduit durablement le métabolisme énergétique dès la fin de l'exposition
(26%). Alors que sous l'effet du glutamate, le taux d'apoptose est resté identique
à celui des témoins, le pourcentage de nécrose a augmenté sensiblement pour atteindre
40,7% à 72 h après exposition. L'inhibition soutenue de la synthèse protéique et l'absence
d'effet protecteur de la CHX confirment les résultats obtenus avec le DAPI. En outre,
le traitement des neurones de 13 jours par des antagonistes des récepteurs NMDA et
non-NMDA (respectivement MK-801 et NBQX, 10 µM) les a protégé de la nécrose induite
par le glutamate et l'hypoxie. Ainsi, les neurones "immatures", bien qu'ils possèdent
un système glutamatergique fonctionnel, sont résistants à la toxicité du glutamate
alors qu'ils sont sensibles à l' hypoxie. La perte de l'activité de la protéine kinase
C semble être un processus nécessaire pour médier l'excitotoxicité. En revanche, dans
les neurones "plus matures", les effets de l'hypoxie ne correspondent pas exactement
à ceux engendrés par le glutamate, tandis que la composante nécrotique de l'hypoxie
serait médiée par ce dernier. L'apoptose se développe via un programme dépendant de
la synthèse de macromolécules et implique l'expression de gènes capables de réguler
les événements associés à la mort cellulaire. Sur les cultures de neurones de 6 jours,
nous avons analysé par immunohistochirnie et western blotting les effets de l'hypoxie/réoxygénation
sur l'expression des protéines de la famille Myc (c-Myc, Max et Madl) ainsi que celles
liées au complexe nucléoprotéique AP-I, à savoir c-Fos, c-Jun, Jun B et Jun D. Alors
que l'expression de Max n'a pas été altérée au cours de l'hypoxie/réoxygénation, celle
de c-Myc a été réprimée jusqu'à 96 h post-réoxygénation suggérant que cette protéine
ne jouerait pas un rôle actif dans la mort neuronale induite par l'hypoxie. L'expression
des produits protéiques qui composent le complexe AP-I a subi des variations séquentielles,
à l'exception de c-Jun dont l'expression a été augmentée de façon soutenue tout au
long de l'étude. L'activité de liaison du complexe AP-I a été détectée dans les neurones
en culture. Par conséquent, les modifications dynamiques de la composition d'AP-I
et l'induction persistante de c-Jun pourraient être impliquées dans la mort neuronale
retardée d'origine hypoxique. Par ailleurs, l'expression constitutive de JNKI a diminué
durant l'hypoxie pour ensuite augmenter transitoirement à 48 h après réo»:ygénation,
ceci parallèlement à l'apparition de JNK3 et des premiers signes d'apoptose. L'activation
retardée de JNKl et JNK3 couplée à l'expression soutenue de c-Jun suggèrent l'implication
de la voie JNK dans la signalisation cellulaire entraînant l'apoptose induite par
une hypoxie transitoire dans les neurones du cerveau en développement.