Note publique d'information : La schizophrénie est une maladie psychiatrique qui perturbe le fonctionnement social
et mental des malades. Cette pathologie concerne plus de 1 % de la population mondiale
et se caractérise par différents types de symptômes : positifs (hallucinations, illusions)
et négatifs (perte de l’affect et de volonté, renfermement social). Ces symptômes
sont contrôlés par les traitements antipsychotiques (APs) à travers la modulation
des récepteurs à la dopamine et à la sérotonine. Malheureusement, certains de ces
médicaments induisent d’importants effets secondaires métaboliques tels que des prises
de poids (pouvant aller jusqu’à 10 kg la première année avec la clozapine par exemple),
des dyslipémies, des altérations de l’homéostasie du glucose et l’apparition de diabète.
Ces perturbations ont pour conséquence l’arrêt du traitement et l’augmentation des
risques cardiovasculaires qui participent à la diminution de l’espérance de vie (de
10 ans en moyenne) et à l’augmentation du taux de mortalité (deux fois supérieur par
rapport à la population générale). Les mécanismes d’induction de ces effets secondaires
ne sont pas tous élucidés. Au niveau du système nerveux central, la liaison de ces
molécules aux récepteurs sérotoninergiques, dopaminergiques ou histaminergiques est
en partie responsable (en modifiant l’appétit ou l’homéostasie énergétique). Au niveau
périphérique, ces APs perturbent certaines fonctions physiologiques essentielles telles
que la sécrétion d’insuline par les cellules b du pancréas, le transport du glucose
dans le muscle squelettique et la lipogenèse au niveau du tissu adipeux, ils altèrent
également la sensibilité à l’insuline de différents tissus. Alors que le foie est
l’organe de la métabolisation des xénobiotique, et qu’il est essentiel dans le maintien
de l’homéostasie des nutriments, peu d’études se sont intéressées à l’influence directe
de ces molécules sur ce tissu. L’objectif principal de cette thèse a consisté à examiner
l’influence d’APs sur le métabolisme hépatique des lipides et du cholestérol à partir
de modèles hépatocytaires adéquats, à l’aide de différents marqueurs : les synthèses
de novo de lipides (acides gras, triglycérides et phospholipides) et de cholestérol
(libre et estérifié), la quantification des facteurs de transcriptions matures SREBP-1
et SREBP-2 (sterol regulatory element binding protein) et l’évaluation de l’expression
de gènes d’intérêt. Dans une première partie, nous avons sélectionné deux modèles
cellulaires hépatocytaires (isolés de foie de rat et la lignée humaine IHH) et avons
démontré leur pertinence pour l’étude des « effets adverses potentiels » de molécules
sur le métabolisme des lipides et du cholestérol. Pour cela, le caractère physiologique
et sensible de ces cellules a été validé au travers de leurs réponses aux variations
nutritionnelles (ou hormonales) et aux traitements pharmacologiques. Dans une seconde
partie, nous avons dressé un comparatif très clair des profils lipogéniques de ces
molécules APs avec : -des molécules fortement inductrices de la lipogenèse et de la
cholestérogenèse de novo (comme la clozapine, l’olanzapine, la risperidone et la NDMC),
-des molécules avec des effets plus modérés (l’halopéridol et la palipéridone), -et
des molécules avec peu ou pas d’effet(s) (l’aripiprazole, la quetiapine, le bifeprunox
et la chlorpromazine). L’induction de la lipogenèse et de la cholestérogenèse de novo
par certains APs est associée à la stimulation des voies SREBPs (facteurs de transcription
et gènes cibles) et corrèle relativement bien avec les perturbations métaboliques
cliniques observées chez les schizophrènes traités. Nous suggérons ainsi qu’une partie
des effets adverses de ces molécules APs proviendrait d’une action directe sur le
foie. De plus, nous avons constaté que les APs qui présentent les profils les plus
délétères dans nos modèles in vitro, activent la voie PERK (protein kinase RNA-like
ER kinase) de la réponse UPR (unfolding protein response), illustrant la présence
d’un stress du RE. Or le stress du reticulum endoplasmique (RE) est décrit pour activer
les voies SREBPs et provoquer sur du long terme des maladies telles que des stéatoses,
des dyslipémies et du diabète. Cette découverte ouvre de nouvelles perspectives quant
aux mécanismes d’action de ces molécules. Plus précisément, nous montrons dans notre
modèle d’hépatocytes humains que le traitement à la thapsigargine (inducteur de stress
du RE par la déplétion du RE en calcium) stimule les voies SREBPs. Alors qu’aucune
modification détectable des concentrations cytosoliques en calcium n’est observée
dans les IHH suite aux traitements APs, l’utilisation d’agent chélateur de calcium
réverse les effets de la clozapine sur les voies SREBP-1 et -2. Ainsi, nous supposons
que la clozapine en perturbant sensiblement les flux de calcium, engendrerait un stress
du RE qui activerait les voies SREBP-1 et -2 et la lipogenèse et cholestérogenèse
associées. Pour compléter ces travaux, deux études expérimentales chez le rat et la
souris soutiennent nos résultats in vitro. Chez le rat, l’étude en aigu, confirme
que la clozapine, l’olanzapine et la risperidone provoquent à des temps précoces (1
h, 3 h) des dérégulations hépatiques transcriptionnelles de génes lipogéniques et
cholestérogéniques et de la réponse UPR. Chez la souris, l’étude en chronique avec
la risperidone montre des inductions significatives de la prise de poids en relation
avec l’activation de la voie SREBP-1c et de FAS (fatty acid synthase). L’ensemble
de ces données suggère qu’indépendamment de leurs effets spécifiques au niveau du
SNC, les APs peuvent déréguler le métabolisme hépatique des lipides. En conclusion,
les cultures primaires d’hépatocytes de rat et les cellules IHH sont des modèles d’intérêt
pour la détection des effets adverses potentiels de molécules sur le métabolisme hépatique
des lipides et du cholestérol. De plus, les voies SREBPs (protéines et gènes cibles)
sont de véritables témoins des perturbations métaboliques cellulaires et peuvent être
considérés comme des marqueurs pertinents de ces états métaboliques. Ces modèles pourraient
ainsi être intégrés dans le processus de recherche et de sélection de nouveaux composés
chimiques destinés à devenir des APs. Au niveau clinique, nos résultats soutiennent
l’intérêt d’associer des traitements hypolipémiants ou hypocholestérolémiants (statines)
aux patients traités avec la clozapine, l’olanzapine et la rispéridone.
Note publique d'information : Schizophrenia is a psychiatric disorder that heavily impacts the mental functions
and social relations of the patients concerned. More than 1 % of the world population
suffers from this disease that is characterized by different kinds of symptoms which
are commonly subclassified as either positive (hallucinations, illusions) or negative
(loss of affect and motivation, social withdrawal). These symptoms can be controlled
by treatment with antipsychotic drugs (APDs) which act primarily through the modulation
of dopamine and serotonin receptors. Unfortunately, some of these drugs induce important
metabolic side effects such as weight gain (as much as 10 kg the first year with clozapine
for example), dyslipemia, alterations of glucose homeostasis and development of diabetes.
The consequences of these disturbances are treatment disruption and an increase of
cardiovascular risks which contributes to a death rate twice as high for schizophrenic
patients versus the general population, associated with a reduction in the average
life expectancy by 10 years. The mechanisms underlying the side effects by APDs are
not completely understood. At the level of the central nervous system (CNS), actions
on serotoninergic, dopaminergic or histaminergic receptors are believed to be implicated
in metabolic side effects (particularly by modifying appetite or energy homeostasis).
In the periphery, certain APDs perturb essential physiological functions such as insulin
secretion by pancreatic b cells, glucose transport into skeletal muscle and lipogenesis
at the adipose tissue level, as well as physiological parameters like the sensitivity
of various tissues to insulin. Althoug the liver is an essential organ for maintaining
the nutrients homeostasis, few studies show an interest for the direct impact of these
molecules on this tissue. The main goal of this thesis is to characterise the impact
of APDs on hepatic lipid and cholesterol metabolism using various markers from appropriate
hepatocyte cellular models, such as de novo synthesis of lipids and cholesterol, the
quantification of the mature transcription factors SREBP-1 and -2 (sterol regulatory
element binding protein) as well as the evaluation of the expression of several genes
of interest. In the first part, we selected hepatocyte cellular models (cells isolated
from rat liver and the human IHH cell line) and showed their relevance for the study
of the “potential adverse effects” of different compounds on lipid and cholesterol
metabolism. For this, the physiological and sensitive character of these cultures
was shown through their response to nutritional (or hormonal) changes and to pharmacological
treatments. In the second part, we highlighted three profiles of APD molecules :-molecules
strongly inducting de novo lipogenesis and cholesterogenesis (clozapine, olanzapine,
risperidone and NDMC), -molecules with more moderate effects (haloperidol and paliperidone),
-molecules with little or no effect(s) (aripiprazole, quetiapine, bifeprunox and chlorpromazine).
Induction of de novo lipogenesis and cholesterogenesis by certain APDs is associated
to the stimulation of the SREBP pathway (transcription factors and SREBP target genes)
and correlate relatively well with the metabolic disturbances of schizophrenia patients
under APD treatment. We therefore suggest that certain unfavourable effects of these
APD molecules are due to a direct action on the liver. Furthermore we stated that
those APDs that present the most unfavourable profiles in our in vitro models, activate
the PERK pathway (protein kinase RNA-like ER kinase) of the UPR (unfolding protein
response), illustrating the presence of endoplasmic reticulum (ER) stress. However,
the ER stress is known to activate the SREBP pathways and to cause, in chronic, diseases
such as steatosis, dyslipidemia and diabetes. This discovery opens new perspectives
regarding the research for the action mechanisms of these molecules. More precisely,
in our human hepatocyte model we show that the treatment with thapsigargine (inductive
of ER stress by calcium depletion) stimulates the SREBP pathways. Whereas no detectable
modification of the cytosolic calcium concentrations was observed following APD treatment,
the use of calcium chelating agents reverses the effects of clozapine on the SREBP-1
and -2 pathways. We therefore presume that clozapine, by disturbing calcium homeostasis,
generates ER stress which would activate the SREBPs pathways and lipogenesis and cholesterogenesis
in consequence. To corroborate these findings, two experimental studies in rat and
mouse were conducted that support our in vitro results. In the rat, a study employing
acute drug administration confirms that clozapine, olanzapine and risperidone, at
an early stage (1h, 3h), cause transcriptional deregulations of hepatic lipogenic,
cholesterogenic and UPR genes. In the mouse, a study with chronic administration of
risperidone indicates significant inductions of weight gain in relation to the activation
of the SREBP-1c pathway and of FAS (fatty acid synthase). Altogether these data suggest
that independent of their specific effects at the CNS level, APDs can modulate hepatic
lipid metabolism. In conclusion, rat primary hepatocyte cultures and IHH cells are
models of interest for the detection of potential unfavourable effects of molecules
on hepatic lipid and cholesterol metabolism. Moreover, the SREBP pathways (proteins
and target genes associated) are appropriate indicators of cellular metabolic disturbances
and thus can be considered as pertinent markers of the respective processes. These
models could therefore be integrated in the research process and in the selection
of new chemical compounds destined to become APDs. With respect to the clinic, our
results support the strategy to associate hypolipemic or hypocholesterolemic (statines)
treatments to patients treated with clozapine, olanzapine and risperidone.