Note publique d'information : La deuxième moitié du XIXe siècle voit se développer deux mouvements en lien avec
l’électricité. D’une part, les applications pour l’industrie se multiplient, avec
les machines électromécaniques (Gramme), l’éclairage électrique (Jablochkoff, Edison)
ou la télégraphie sous-marine (câbles transatlantiques). La volonté de promouvoir
ces nouvelles branches de l’industrie entraine la formation de nouvelles d’institutions,
comme la Société Internationale des Électriciens. D’autre part, différentes théories
de l’électromagnétisme sont élaborées, fondées pour certaines sur le concept de milieu
de propagation, comme en Grande-Bretagne autour de James C. Maxwell. Ces théories
mènent peu à peu à reconsidérer l’importance du champ et le rôle de l’éther comme
milieu de propagation. Objet central de ces théories, l’éther reste pour les physiciens
une source de questionnements (sur sa nature, sur son entrainement par les corps en
mouvement…). Entre application et théorie, une nouvelle classe sociale émerge, celle
des ingénieurs électriciens. Confrontés dans leur vie professionnelle aux nouveaux
dispositifs électriques, ils possèdent également une formation scientifique de haut
niveau leur permettant de comprendre les théories électromagnétiques qui se développent
en cette fin de siècle. Mais pour l’utilisation des appareils, les ingénieurs ont
avant tout besoin de concepts applicables. L’éther, et les théories qui s’y rapportent,
ne correspondent pas a priori à leurs besoins. D’autre part, les enseignements de
l’électromagnétisme en France font très souvent appel aux théories plus anciennes
de Coulomb ou Ampère. Pour évaluer la place de l’éther dans les connaissances des
ingénieurs, il est nécessaire de prendre en compte les différentes voies de formation
dans les établissements d’enseignement supérieur, ainsi que l’ensemble des supports
de diffusion accessibles aux ingénieurs après leur scolarité. Cette approche permet
de montrer que certains ingénieurs peuvent acquérir une bonne connaissance de ces
théories et du rôle de l’éther.Nous donnons dans la première partie de notre travail
une description des théories électromagnétiques de l’éther de la seconde moitié du
XIXe siècle, que nous retrouverons par la suite. Ce descriptif s’étend principalement
de 1860, avec les travaux de Maxwell, pour lequel l’éther est un milieu mécanique
propageant les perturbations électriques, jusqu’à 1895 et ceux de Hendrik Lorentz,
qui suppose la charge électrique liée à la matière et considère l’éther comme un référentiel
privilégié. La deuxième partie aborde la formation théorique des ingénieurs dans les
grandes écoles (Polytechnique et ses écoles d’application, Centrale…) ou dans les
instituts électrotechniques (Montefiore à Liège, Grenoble…). Nous montrons que si
l’enseignement de l’électricité arrive rapidement dans certaines écoles, nées avec
la dynamique industrielle (École Supérieure de Télégraphie, École Municipale de Physique
et Chimie Industrielles…), qui accordent une petite place aux théories récentes de
l’électromagnétisme, cette arrivée est plus lente au sein d’établissements plus anciens,
ancrés dans les idées du début du siècle. La troisième partie se place dans la continuité
des précédentes en traitant des moyens de diffusion divers (journaux, ouvrages, conférences…)
par lesquels un ingénieur peut continuer à se former sur les idées théoriques. Dans
ces différents supports, les nouvelles théories émergeant à la fin du siècle (Lorentz,
Larmor) sont ponctuellement abordées, mais les articles qui en traitent font souvent
appel à de bonnes connaissances mathématiques. Si les articles théoriques sont souvent
abordés dans les revues de physique (comme le Journal de Physique), on trouve aussi
plusieurs articles de haut niveau dans des journaux spécifiquement dédiés à l’électricité,
comme La Lumière Électrique. Symbole de cette confluence entre ingénieurs et physiciens,
nous nous attacherons aux premiers pas de l’ingénieur des Mines Alfred Liénard.
Note publique d'information : The second half of the 19th century saw the development of two movements related to
electricity. On the one hand, applications for industry are multiplying, with electromechanical
machines (Gramme), electric lighting (Jablochkoff, Edison) or underwater telegraphy
(transatlantic cables). The desire to promote these new branches of industry leads
to the formation of new institutions, such as the International Society of Electricians.
On the other hand, different theories of electromagnetism are developed, some on the
concept of propagation medium, as in Great Britain around James C. Maxwell. These
theories gradually lead to reconsider the importance of the field and the role of
ether as the propagation medium. As a central object of these theories, ether remains
for physicists a source of questioning (on its nature, on its training by moving bodies,
etc.).Between application and theory, a new social class emerges, that of electrical
engineers. Confronted in their professional life with new electrical devices, they
also have a high-level scientific training allowing them to understand the electromagnetic
theories which are developing at the end of the century. But in order to use the devices,
engineers first and foremost need applicable concepts. Ether, and the relating theories,
do not correspond a priori to their needs. On the other hand, the teachings of electromagnetism
in France very often appeal to the older theories of Coulomb or Ampère. To assess
the place of ether in the knowledge of engineers, it is necessary to take into account
the different training paths in higher education institutions, as well as all the
dissemination media available to engineers after their schooling. This approach shows
that some engineers can acquire a good knowledge of these theories and the role of
ether.We give in the first part of our work a description of electromagnetic theories
of ether from the second half of the 19th century, which we will find later. This
description extends mainly from 1860, with the work of Maxwell, for which ether is
a mechanical medium propagating electrical disturbances, until 1895 and those of Hendrik
Lorentz, who assumes the electrical charge related to matter and considers ether as
a privileged repository. The second part deals with the theoretical training of engineers
in the grandes écoles (Polytechnique and its application schools, Centrale…) or in
electrotechnical institutes (Montefiore in Liège, Grenoble…). We show that if the
teaching of electricity arrives quickly in certain schools, born with the industrial
dynamics (Superior School of Telegraphy, Municipal School of Physics and Industrial
Chemistry ...), which give a small place to recent theories of electromagnetism ,
this arrival is slower in older establishments, anchored in the ideas of the beginning
of the century. The third part follows on from the previous ones by dealing with various
means of dissemination (journals, books, conferences, etc.) by which an engineer can
continue to be trained on theoretical ideas. In these different media, new theories
emerging at the end of the century (Lorentz, Larmor) are occasionally discussed, but
the articles which deal with them often call for good mathematical knowledge. While
theoretical articles are often discussed in physics journals (such as the Journal
of Physics), there are also several high-level articles in journals specifically dedicated
to electricity, such as La Lumière Électrique. Symbol of this confluence between engineers
and physicists, we will focus on the first steps of the Mines engineer Alfred Liénard.